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Fertilisation Les comportements changent, la distribution s'adapte

Nouveaux modes d'achat, nouvelles façons de produire, substitution entre engrais... Face aux changements tendanciels des comportements des agriculteurs en fertilisation, la distribution est bousculée. Mais réagit.

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Personne ne conteste que le monde des fertilisants est en pleine mutation. La mutation, on la voit aujourd'hui dans les modes d'achat, avec toute une frange d'agriculteurs autonomes, formés, connectés et qui cherchent à supprimer les intermédiaires. Le numérique le permet désormais et un peu partout dans les campagnes, certains n'hésitent plus à exercer leur sentiment de revanche vis-à-vis de ceux qu'ils qualifient de monopoles de la distribution, en commandant en ligne via ces nouvelles plateformes, ou tout au moins en s'informant pour prendre connaissance des prix pratiqués et ainsi challenger leurs fournisseurs. Malgré tout, la mutation est d'abord celle des systèmes de production, déjà depuis plusieurs années, vers davantage d'agronomie, de précision, et plus généralement vers des itinéraires techniques moins gourmands en intrants, a fortiori en engrais. Les distributeurs ne peuvent plus ignorer ces tendances structurelles et n'ont plus le choix que de s'adapter à la demande. Car cette mutation se traduit dans les choix des agriculteurs qui n'hésitent pas à bousculer, par conviction ou par opportunisme, les produits historiques, traditionnels pour tester, voire adopter des alternatives. On le voit sur une longue période : montée en puissance des biofertilisants, repli du minéral au profit de l'organique, et même substitution au sein du minéral... En effet, au sein de la famille des engrais azotés simples, la solution azotée est aujourd'hui au coude-à-coude avec l'ammonitrate, jadis « engrais préféré des agriculteurs français ». On le sentait bien ces dernières campagnes, avec des prix qui ont été récemment à l'avantage de la solution azotée, et qui ont fait bouger les lignes, même dans des régions peu habituées à cette forme d'azote. La construction actuellement d'une usine de solution azotée soufrée par Tessenderlo, à Rouen, de même que la mise en orbite à l'automne dernier, d'un marché à terme dédié, avec Rouen comme point de livraison, ne sont d'ailleurs pas anodines. De plus, « il y a toujours une forte pression à l'import des solutions azotées et urées granulées », commente Philippe Eveillard, de l'Unifa. Chez EMC2, dans une région historiquement branchée sur la « solaz », « on observe des transferts vers la solution azotée dès lors que l'écart de prix avec l'ammonitrate excède 20 à 30 %. Mais dès que l'écart se réduit, c'est le chemin inverse qui se produit », relativise Frédéric Chleffer. Même si les distributeurs ne sont pas forcément fans de cette forme d'azote, « quitte à ce que la solution azotée se développe, autant que ça se fasse chez nous », admet Mickaël Portevin, chez Soufflet Agriculture. Pour ne pas perdre la main sur ce produit à faible marge pour eux, les distributeurs s'intéressent, comme ils le font depuis quelques années avec l'urée améliorée, aux additifs à la solution azotée pour améliorer son efficience, en particulier les inhibiteurs d'uréase, et mettent en place des expérimentations (lire ci-contre) pour être prêts lorsque les premières homologations arriveront. Via végétale rappelle également que son produit d'application foliaire Balsamo, à base de glutacétine et homologuée en tant qu'agent azoto-nutritionnel, peut faire l'affaire.

« Des aberrations agronomiques »

Malgré tout, à la faveur d'une distribution agricole toujours proactive sur ce dossier, au global, les livraisons d'azote résistent. En revanche, les distributeurs font face à un désinvestissement dans les engrais de fond et les amendements minéraux basiques. Outre la campagne en cours qui est sans commune mesure, « le désinvestissement sur les éléments nutritifs de fond, phosphore et potassium, ne cesse de s'accentuer depuis vingt-cinq ans », constate l'Unifa. Une récente étude de l'Inra met d'ailleurs en avant, dans de nombreuses régions, une baisse significative de la teneur en phosphore assimilable et en potassium échangeable depuis 2004. Et ce n'est pas mieux concernant les pH. « De vraies aberrations agronomiques », s'énerve un responsable appro sous couvert d'anonymat, qui préférerait voir les agriculteurs « investir dans les sols de temps en temps plutôt que dans des appartements ».

Quoi qu'il en soit, un certain nombre de distributeurs observent en compensation d'une moindre utilisation des engrais minéraux historiques un attrait pour des engrais de spécialités, mais aussi pour des biostimulants, activateurs de sol et autres microorganismes. « Et dans nos essais, ils présentent souvent une efficacité au moins équivalente », appuie l'un d'entre eux.

Retrouver de la marge

Axéréal a observé la campagne passée une montée en puissance de l'ultralocalisation d'une part et la progression de 10 % des compléments nutritionnels foliaires. Le hic, c'est que l'offre devient tellement pléthorique que des distributeurs opèrent un resserrement de leur gamme pour permettre à l'agriculteur, mais aussi au technicien, d'y voir plus clair. Certains considèrent aussi que l'organique prend de l'ampleur, d'autres qu'il se tasse. Si l'on regarde les chiffres nationaux, cette catégorie progresse, certes, mais doucement tout de même, et paraît encore quelque peu insaisissable. Quant à la fertilisation foliaire, « elle n'est pas encore vraiment rentrée dans les moeurs en grandes cultures, mais on y vient », reconnaît un fabricant. Un autre confirme : « Les foliaires sont des produits de plus en plus abordables sur lesquels les distributeurs margent bien, et ils les voient comme un moyen de récupérer des marges sur les phytos, amenés à reculer. »

DOSSIER RÉALISÉ PAR RENAUD FOURREAUX

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